Bilan et perspectives du Gouvernement Macron sur la crise climatique

Bilan et perspectives du Gouvernement Macron sur la crise climatique

18 Juillet 2022

Bilan et perspectives du Gouvernement Macron sur la crise climatique

par Tomas Derville

Bien qu’Emmanuel Macron se soit présenté durant sa première campagne présidentielle comme un candidat donnant la priorité à la résolution de la crise climatique, les résultats du bilan écologique restent mitigés à la fin de son premier mandat. Il avait pourtant attisé l’espoir des Français, notamment en dénonçant le climato-scepticisme de Donald Trump en février 2017 et en invitant les chercheurs américains à venir en France afin de travailler sur le changement climatique, les énergies renouvelables et les nouvelles technologies.

Initiatives gouvernementales sur le climat durant le premier quinquennat

Pendant ce premier mandat, des initiatives liées à la stratégie climat restent cependant importantes à souligner. La Stratégie Nationale Bas Carbone a notamment été révisée en 2018 afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Ce texte qui a été adopté pour la première fois en 2015 est la véritable feuille de route de la France pour réduire ses émissions. Il a l’avantage d’établir des budgets carbone à ne pas dépasser à l’échelle de la France entière, y compris à court terme, et d’inclure les budgets 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033. Ainsi, le plafond pour la période 2019-2023 était fixé à 458 MtCO2eq en moyenne annuelle. Les budgets d’émissions diminuent au fur et à mesure des périodes budgétaires avec pour objectif de diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. A l’heure actuelle, la France a réussi à diminuer ses émissions de 20% entre 1990 et 2019, principalement dû à la diminution de l’intensité énergétique et du contenu carbone de l’énergie consommée. Aussi, l’objectif d’ici 2030 quoique ambitieux, est réalisable si l’ensemble des acteurs se mobilisent. L’atout incommensurable de cette stratégie est d’appliquer des plafonds d’émissions dès à présent plutôt que de fixer seulement des objectifs lointains à l’horizon 2030 ou 2050, objectifs qui font porter la responsabilité à d’autres gouvernements voire à de nouvelles générations.     

De plus, ce premier mandat a concrétisé un événement démocratique inédit avec la création de la Convention citoyenne pour le climat constituée en octobre 2019 sur demande du Premier Ministre Edouard Philippe. 150 citoyens français ont été tirés au sort avec 51% de femmes et 49% d’hommes. A la suite de plusieurs mois de travaux, ils ont formulé 149 propositions pour remédier à la crise climatique. Ces propositions prévoient par exemple de réguler la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation, créer une obligation d’affichage de l’impact carbone des produits comme des services, et faire de l’éducation un levier d’action de la consommation responsable. A ce jour, 87 mesures ont déjà été mises en œuvre et 59 d’entre elles sont en cours d’après le site de suivi du gouvernement.

En outre, le Haut Conseil pour le Climat, instance consultative indépendante française, a été formé en 2018 à l’initiative du gouvernement. Présidé par la climatologue Corine Le Quéré et composé d’experts scientifiques, il rend un rapport chaque année sur le respect de la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre en France. Le conseil a notamment souligné que les effets des politiques publiques climatiques se manifestent en 2019 par une accentuation de la baisse des émissions au niveau national et dans la plupart des régions. Toutefois, il stipule que les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de 2030.

Les limites des actions

En France, malgré des progrès dans certains domaines concernant la transition écologique, ce premier mandat a connu nombre de difficultés. Par exemple, la France est le seul pays de l’Union Européenne, parmi 27 membres, qui n’a pas atteint les objectifs de production d’énergie renouvelable fixés pour 2020. Elle manque son objectif de 4 points, en ayant atteint 19% d’énergie renouvelable dans la consommation brute totale d’énergie française contre 23% initialement prévus. La France n’est ainsi qu’à la 17ème position en Europe en ce qui concerne la part d’énergie renouvelable dans la consommation finale brute d'énergie, loin derrière la Suède, en tête avec 60% d’énergie renouvelable.

En outre, l’objectif de fermeture des centrales à charbon en 2021 que s’était fixé Emmanuel Macron en début de mandat n’a pas abouti. Bien que le charbon ne représente plus que 2% du bouquet énergétique primaire français, deux centrales à charbon fonctionnent toujours : la centrale à charbon de Cordemais, en Loire-Atlantique et de Saint-Avold, en Moselle. Rappelons que le charbon comparé à l’énergie éolienne émet environ 100 fois plus de CO2eq sur l’ensemble du cycle de vie.

Il est difficile de conclure avec précision sur les résultats de ce premier mandat 2017-2022 en matière de de réduction de gaz à effet de serre. En effet, CITEPA, l’organisme de référence pour le calcul des émissions de gaz à effet de serre, mandaté par le Ministère de la Transition Ecologique, n’a pas encore finalisé le calcul sur les émissions des années 2020 et 2021. D’après des estimations non finalisées, les émissions auraient baissé d’environ 9% lors du mandat du Président Macron contre une baisse de 5% sous le quinquennat de François Hollande. Un meilleur bilan au regard des chiffres que celui du précédent président mais à prendre avec réserve compte tenu de la crise du COVID qui a affecté l’ensemble de l’économie et donc la consommation.

Que pouvons-nous attendre de ce prochain quinquennat ?

Malgré un bilan mitigé sur la question climatique durant ce premier mandat, pouvons-nous espérer de meilleurs résultats pour ces cinq prochaines années ? Si l’on s’attache aux mots, Emmanuel Macron a promis pendant sa campagne présidentielle « un changement de paradigme ». Ainsi, en ce qui concerne le plan énergétique français, il s’est démarqué de Marine Le Pen durant le débat télévisé d’entre-deux tours 2022 avec un accent mis sur le solaire et l’énergie éolienne, deux énergies boudées par la candidate opposée.

Dans les grandes lignes, le développement de l’énergie solaire, l’éolien en mer, la construction de nouvelles centrales nucléaires et l’hydrogène sont les objectifs principaux de ce nouveau mandat en matière d’énergie. Mais il reste seulement 8 ans pour passer d’ici 2030 de 19% à 40% d’énergie renouvelable dans le bouquet de production électrique et pour atteindre ainsi l’objectif de la loi énergie – climat.


Une des premières éoliennes en mer françaises a été installée le 13 avril 2022 au large de Saint-Nazaire, À terme, le parc de Saint-Nazaire, qui s'étend sur 78 km2, devrait compter quatre-vingts éoliennes d'une puissance de 6 mégawatts chacune (MW)

L’une des initiatives d’Emmanuel Macron qui semble la plus prometteuse au niveau gouvernemental serait de confier directement au Premier Ministre la charge de la planification écologique afin d’inscrire la transition écologique de manière transversale au sein du gouvernement. Ainsi, il reviendra au Premier ministre d’élaborer la loi de programmation sur le climat permettant d’assurer la prévisibilité budgétaire des investissements. 

D’autre part, Emmanuel Macron a promis une accélération d’envergure en ce qui concerne la rénovation énergétique des logements. On passerait à un objectif de 700 000 logements rénovés par an sur les 5 prochaines années, soit environ 9% de plus qu’en 2021. De plus, le Président a promis un investissement significatif de 50 milliards d’euros alloué au Ministère de la Transition écologique, son plus haut niveau historique (2% du Produit Intérieur Brut de la France en 2021).

Sur le plan du rayonnement de la politique française à l’international, durant la présidence française à l’Union Européenne du 1er janvier au 30 juin 2022, un paquet législatif a été voté, nommé Fit For 55, qui révise le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (Emission Trading System - ETS).  Les textes ont été adoptés en juin 2022, et réhaussent l’objectif de réduction d’émissions des secteurs couverts par le SEQE (production d’énergie, industrie lourde, aviation commerciale) pour atteindre une baisse de 61% des niveaux de 2005 d’ici 2030, contre un objectif actuel de 43%.

Enfin, les résultats des législatives 2022 sont venus fragiliser le parti du gouvernement Ensemble ! qui détenait sur le quinquennat précédent une majorité à l’Assemblé Nationale. Il manque maintenant une quarantaine de sièges au parti d’Emmanuel Macron pour une majorité absolue. Ce résultat pourrait mettre en difficulté le programme du parti gouvernemental sur la transition écologique. Toutefois, les résultats du second tour ont octroyé à la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale une partie importante des sièges à l’Assemblé (31,6%), avec des députés qui devraient être dans les grandes lignes en faveur d’une accélération de la transition écologique. De plus, le parti Europe Ecologie les Verts a connu un succès en remportant 23 sièges, favorisant des votes pour la protection du climat.