Que signifie réellement le Net Zéro ?

16 mai 2022

Les concepts de « Net Zéro » et « Neutre en carbone » sont-ils équivalents ? Qu’en est-il de la Neutralité climatique ? Et qu’entendent les entreprises lorsqu’elles utilisent des termes comme négatif en carbone, climat positif ou encore élimination du carbone ?

Le Net Zéro (ou émissions nettes de carbone égales à zéro) est de plus en plus utilisé par les entreprises et les États. Ce concept est né en réponse à la demande croissante pour des engagements forts en matière d’action climatique, mais aucun consensus n’existe à l’heure actuelle quant à sa définition. Cet article expose ce que devrait être un engagement Net Zéro et comment cette notion a dérivé du concept de Neutralité Carbone ou Climatique.

Neutralité Carbone / Neutralité Climatique

Traditionnellement la neutralité carbone est définie comme le fait d’avoir mesuré, réduit et compensé une empreinte carbone. Le résultat final serait de parvenir à un équilibre entre les émissions produites d’un côté et les émissions évitées de l’autre, créant ainsi une « neutralité ». 

Les Nations Unies utilisent officiellement le terme de Neutralité Climatique à l’échelle globale. Le terme est aussi utilisé par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) à travers cette définition. La notion de Neutralité Climatique telle que définie par le GIEC garantit que tous les gaz à effet de serre (GES) sont inclus et non pas uniquement le dioxyde de carbone. Les GES sont exprimés en équivalent CO2, ce qui permet de convertir tous les GES sous une seule mesure.

Comment se positionne la France sur la communication liée à la neutralité carbone des entreprises ?     

Suite à la multiplication des arguments de ‘Neutralité’ par les entreprises en France, l’Ademe (« l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie », responsable de la transition écologique) recommande à toutes les entreprises, y compris le secteur public, de s’engager dans une démarche de communication responsable. Un communiqué a été partagé par l’Ademe en Février 2022 à ce sujet.     

D’après l’Ademe, les arguments de « neutralité » peuvent être trompeurs et exposer les organisations à des risques de controverses. De plus, ils ne permettent pas de faire le tri entre les démarches réelles et celles qui relèvent du greenwashing, et au final empêchent de mettre en avant les acteurs qui font preuve de sincérité et s'investissent réellement pour le climat.    

C’est pourquoi à ClimatePartner, nous conseillons nos partenaires sur le marché français de lire ces nouvelles directives, et de mettre à jour leur communication pour éviter des formulations telles que : « Notre entreprise garantit gratuitement la neutralité carbone de l’ensemble de ses produits et services », « Notre produit est neutre en carbone », « Neutralité carbone à vie », « Livraison zéro carbone », « Certifiée Carbon Neutral », « Net Zéro carbone », « Notre ambition d’atteindre zéro émission nette de carbone ». Nous conseillons le remplacement de ces termes dans la mesure du possible par les expressions « CO2 compensé », ou « carbone compensé », par exemple.      

D’un point de vue légal, c’est l’article n°12 de la Loi n° 2021‐1104 promulguée le 22 août 2021 et portant lutte contre le dérèglement climatique qui est dédiée à l’encadrement de l’utilisation de l’argument de neutralité carbone dans les publicités.     

L’utilisation du terme de ‘neutralité carbone’ est donc interdite dans les publicités (à moins que l’entreprise rende aisément accessible au public plusieurs éléments incluant un bilan carbone complet, une démarche de réduction à l'aide d'objectifs de progrès annuels quantifiés, et les modalités de compensation). 

Pourquoi le « Net Zéro » ?

Le Net Zéro cherche à élever les standards et à combler les lacunes du concept de neutralité carbone en :

  • définissant un objectif pour la réduction des émissions CO2
  • incluant une majorité des émissions de Scope 3 
  • définissant une échéance

Objectifs de réduction du carbone

Pour définir un engagement Net Zéro, il convient dans un premier temps d’assumer pleinement ses émissions de carbone, ce qui implique généralement d’inclure au moins 66 % d’émissions de Scope 3. Il s’agit d’un impératif pour la plupart des entreprises qui intègrent une initiative Science Based Target (SBT), qui est devenue une solution populaire pour plus de 2 000 entreprises avec notamment de grands détaillants comme Carrefour et des PME comme BackMarket.

Les initiatives SBT garantissent que les objectifs de réduction du carbone se basent sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles et sont calculés en fonction des besoins du secteur et de la taille de l’entreprise. L’ambition d’une initiative SBT peut varier, mais idéalement elle devrait s’aligner sur l’objectif de limitation du réchauffement climatique de 1,5 °C, ou bien l’objectif Net Zéro

Évolution de vos projets de compensation carbone

Certains activistes prétendent que les affirmations de compensation des entreprises les induisent en erreur et voient cela comme un moyen de s’acheter une bonne conscience. La réalité n’est pas aussi simple. La réduction des émissions de carbone à zéro, et dans un laps de temps suffisamment court, est quasiment impossible pour la plupart des entreprises. La compensation joue un rôle important dans la solution et ne doit pas être méprisée. C’est parfois la seule action vraiment agressive, responsable et utile que les entreprises peuvent mettre en œuvre de manière immédiate.

Les projets de compensation carbone se répartissent actuellement en deux grandes catégories :

  • Projets d’évitement du carbone : ils représentent la grande majorité des projets de compensation carbone actuellement disponibles sur le marché avec un ensemble de standards comme Gold Standard, VCS et Plan Vivo pour l’examen de tous les projets et des audits réguliers. Ils peuvent prendre la forme de différentes technologies telles que les énergies renouvelables, la sylviculture ou encore des projets communautaires. La protection des forêts permet d’éviter les émissions liées à la déforestation, aide à préserver la biodiversité et crée des sources de revenus alternatives pour les communautés locales. Les fourneaux propres permettent aux communautés des pays du Sud d’éviter les émissions liées à la combustion du bois pour la cuisson, qui auraient autrement été créées sans un tel projet de compensation.
  • Projets d’élimination du carbone : les projets d’élimination (ou des puits carbone) s’inscrivent dans une industrie naissante, en pleine émergence. Pour le moment, ils se limitent principalement à des solutions en lien avec la nature ; l’exemple le plus connu étant la plantation d'arbres. L’idée est que ces projets éliminent des émissions de l’atmosphère le plus longtemps possible (ou idéalement indéfiniment). D’autres domaines émergents comme le Carbone bleu (mangroves, algues et herbiers marins) ou le Carbone du sol, pour lequel Gold Standard a récemment publié une méthodologie de mesure, commencent aussi à avoir le vent en poupe. Les solutions techniques gagnent également en popularité, comme dans le cas des technologies de Captage direct dans l’air et de stockage (CDAS). Toutefois ces technologies ont tendance à être très onéreuses, ne s’accompagnent pas d’avantages connexes comme le support aux communautés locales ou la préservation de la biodiversité et n’ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle.

Cependant, aujourd’hui, ce n’est qu’une question de temps avant qu’une entreprise mettant en avant ses initiatives de compensation ne soit accusée de greenwashing, si elle ne dispose pas en parallèle d’un plan ambitieux de réduction du carbone.

Quel est le mieux : l’évitement du carbone ou son élimination ?

Une réponse courte consisterait à dire que toutes les formes de compensation sont nécessaires. Malgré les gros titres que font quelques fers de lance comme Microsoft et Stripe en termes d’élimination du carbone, et même si les investissements en la matière sont primordiaux, cela ne veut pas dire que ces projets sont nécessairement meilleurs. Par exemple, un programme de protection des forêts de grande qualité, qui crée des opportunités économiques pour la population locale et évite la déforestation, peut être plus bénéfique pour la biodiversité qu’un projet de plantation d’arbres en monoculture.

Par ailleurs, il faut envisager la crise climatique à travers le prisme des droits de l’Homme, en garantissant que nous bénéficions tous de manière égale de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Les projets qui sont générateurs d’emplois et d’énergie propre pour des communautés défavorisées, comme ce projet d’énergie hydraulique dans le parc national des Virunga au Congo, doivent être une composante importante de la solution. Enfin, nous devons éviter et réduire autant que possible les émissions de carbone dans l’atmosphère avant de nous pencher sur les moyens de l’éliminer de manière réalisable ; un peu comme nous devrions réduire notre consommation d’énergie avant d’entamer une transition vers les énergies renouvelables car « l’énergie la plus propre est celle qui n’est pas utilisée ». Les investissements qui aident les autres à éviter et réduire les émissions de carbone sont d’une importance cruciale pour que nous nous dirigions tous vers le Net Zéro. Sinon le défi que représente l’élimination d’une telle quantité de carbone pourrait tout simplement ne pas être réalisable.  

Qu’en est-il des termes carbone positif et négatif en carbone ?

Des entreprises comme Microsoft et Brewdog se sont récemment engagées à devenir « négatives en carbone », ajoutant un peu plus à la confusion ambiante. Cela signifie simplement qu’elles vont au-delà d’un objectif Net Zéro en effectuant plus de contributions aux projets de compensation carbone qu’elles n’émettent de carbone. Mais il faut bien prêter attention aux détails. Par exemple, malgré de gros titres impressionnants, Brewdog n’a pas encore annoncé publiquement un objectif de réduction du carbone.

Carbone ou climat positif est une expression qui, selon ClimatePartner, est à éviter car elle peut facilement nous amener à penser que nous avons un impact « positif » sur le climat en achetant plus du produit ou service en question. Dans les faits, il convient de se montrer très circonspect face aux fausses allégations qui suggèrent qu’une plus grande consommation amène à un impact plus positif. Tout produit physique ou numérique a un impact sur notre planète et une partie de la solution doit résider dans la réduction significative de la consommation dans son ensemble. Ainsi, lorsqu’une entreprise utilise le terme Net Zéro (ou tout autre terme similaire), penchez-vous sur les engagements réels qui sous-tendent cette déclaration. Le Net Zéro doit s’accompagner d’objectifs de réduction forts, de préférence basés sur la science, ainsi que de mesures de compensation de qualité.

Par-dessus tout, celles et ceux qui souhaitent vraiment placer plus haut la barre du leadership climatique doivent s’assurer d’être parfaitement transparents quant à leurs efforts, afin que nous puissions apprendre tous ensemble comment effectuer notre transition vers une économie durable à faibles émissions de carbone.

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Vous aimeriez en savoir plus sur le Net Zéro et ce que peuvent faire les entreprises ? Consultez notre article de fond (en anglais) The Road to Net Zero